Les accidents, encore nombreux, impliquant des véhicules à l'occasion de traversées ou à proximité de passage à niveau, posent la question de l'application ou non de la loi « Badinter » du 5 juillet 1985 et des règles d'indemnisation applicables ainsi que des obligations des automobilistes et de la SNCF.
Une loi du 15 juillet 1845 prévoit que, partout où les chemins de fer croiseront de niveau les routes de terre, des barrières seront établies et tenues fermées. Un arrêté du 18 mars 1991 prévoit, quant à lui, le classement, la réglementation et l'équipement des passages à niveau. Tant que les chemins de fer sont sur des voies séparées de celles où circulent d'autres catégories de véhicules, la loi « Badinter » du 5 juillet 1985 n'est pas applicable.
Mais dès lors que les chemins de fer sont sur une voie isolée qui en croise une autre, la loi devient applicable. Cette solution s'explique par le fait que les trains circulent sur des voies qui leur sont propres (voir dans ce sens, civ. 2e, 19 mars 1997, pourvoi n° 95-19.314, RCA 1997, n° 197).
En cas de collision à un passage à niveau, la responsabilité de la SNCF pourra être engagée sur le fondement du droit commun, à savoir l'article 1384, alinéa 1, du code civil, mais elle peut se prévaloir des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 pour présenter une demande d'indemnisation des dommages subis au conducteur du véhicule impliqué (voir civ. 2e, 17 mars 1986, « JA » 1986, p. 316). Cela s'explique, en effet, parce que le véhicule automobile ne circule pas sur des voies propres (CA Paris, 17e ch., 29 mai 2000, Gaz. Pal. 13 au 13 décembre 2000).
Si le code de la route, dans son article R. 422-3, impose une priorité de passage aux matériels circulant normalement sur une voie ferrée, et qui s'impose aux autres utilisateurs de la route, le texte n'exclut pas une obligation de prudence et de sécurité à la charge de la SNCF.
Priorité absolue de passage...
Cette priorité de passage imposée par les textes est absolue pour les autres conducteurs. Ainsi, l'usager qui refuse cette priorité peut permettre à la SNCF de s'exonérer en partie ou en totalité de sa responsabilité. Dans ce sens, voir par exemple civ. 2e, 17 mars 1986, précité et civ. 2e, 7 octobre 1984, « JA » 1985, p. 156.
Cette priorité va même plus loin puisque l'usager doit prendre les précautions nécessaires pour éviter l'accident, comme par exemple dégager les voies au plus vite à l'approche du train (voir par exemple crim., 3 janvier 1986, « JA » 1986, p. 59).
... et obligation de sécurité et de prudence
Comme nous l'avons dit précédemment, il pèse néanmoins à la charge de la SNCF une obligation de sécurité et de prudence. Elle doit en effet respecter les obligations réglementaires (voir notamment l'arrêté du 18 mars 1991), mais aussi prendre les précautions qui s'imposent pour éviter tout accident, par exemple quand les lieux le rendent nécessaire (installation d'une barrière à un endroit particulièrement dangereux, civ. 2e, 16 janvier 1991, pourvoi n° 89-18.983, « JA » 1991, p. 156).
Règles d'indemnisation en cas d'accident
L'indemnisation d'un automobiliste victime d'un accident se fera sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil. La responsabilité de la SNCF pourra alors être retenue partiellement ou en totalité. Ainsi les juges ont retenu que la responsabilité de la SNCF est totale en cas d'absence de signalisation (crim., 21 juillet 1981, « JA » 1982, p. 403), mais elle sera partielle en cas de faute de la victime (voir civ. 2e, 16 janvier 1991, précité). Les juges ont également retenu une responsabilité partielle pour un cas dans lequel le feu rouge de signalisation était visible à une distance inférieure à celle prévue par les textes (civ. 2e, 10 janvier 1990, pourvoi n° 88-18.122 ; « JA » 1990, p. 202).
La SNCF pourra s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve d'une absence de faute. Par exemple, s'il n'y a pas eu défaut d'entretien normal de la voie (voir CAA Nantes, 2e ch., 22 décembre 1999, « Jurisdata » n° 111564) ou encore si elle prouve que la victime a cherché à se suicider (voir CA Paris, 17e ch. A, 8 avril 2002, « Jurisdata » n° 177150).
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